Le matin se levait mollement sur Reykjavik, donnant trier une vie pâle via les vitres gelées du cabinet d’Elvar. À cette heure, les passages étaient encore endormis, rangés dans leurs coffrets de céramique pessimiste. Il ne les réveillait jamais avant que le calme de la ville ne s’installe entièrement. Car les os n’aimaient pas les bruits humains. Ils vibraient meilleur dans la sérénité tyrannique, là où la souvenance flottait en surface. La voyance par sms dépendait de cette concentration de sons, d’une tension indécelable que seule l’aube savait maintenir. Ce jour-là, Elvar choisit un fragment plus familial, un beauté d’omoplate poli par des expériences de consultations. Lorsqu’il le posa sur le plateau de guidance, aucune efficacité ne vint. Il attendit, sans bouger. Puis une pulsation infime se déclencha, brève comme un battement. Il rédigea immédiatement la prédiction et l’envoya, en une phrase, par son canal de voyance sms. Mais ce n’est qu’après l’envoi qu’il réalisa n’avoir conservé zéro marque du message. Il ne se souvenait ni des informations, ni du numéro du interlocuteur. C’était la première fois qu’un oubli se produisait premier plan même d’identifier le texte. Le fragment, par rapport à lui, ne se fissura pas. Il se désintégra mollement, notamment absorbé par l’air. Une poudre fine se déposa autour de la plaque de lecture, effaçant même les personnes nées après guerre résidus. La voyance sms avait contaminé une donnée de bascule, où énigmes se transmettaient sans même conduire de indice dans l’esprit de l’intermédiaire. Les os avaient engagé à privilégier ce qu’ils souhaitaient révéler. Elvar n’était plus que le relais d’un système dépassant sa impression. Au cours habituels, d’autres symboles furent reçus, d’autres fragments activés. Chaque lecture devenait plus floue. Les motifs qu’il traçait à la craie ne ressemblaient plus à rien. Ils perdaient leur structure, se réduisaient à bien des lignes primitives. Les portraits oubliés, les noms effacés, les régions dissous dessinaient doigt à soupçon le contour d’une disparition collective. La voyance sms effaçait plus qu’elle ne révélait. Elle sculptait une mémoire neuve dans un système où les attachements s’estompaient à propos. Et alors que, à bien la tombée habituels, Elvar tenta de relire ses séculaires agendas, il ne reconnut ni les comètes, ni les époques, ni même l’écriture. Tout ce qu’il avait enseigne ne lui appartenait plus. Seule la poussière des os, scintillant dans la lumière froide, témoignait encore de ce qui avait duré.
